Le ministre des Finances et président du Conseil Ecofin, Pierre Gramegna, s’est rendu devant la plénière du Parlement européen à Strasbourg, le 24 novembre 2015, pour participer au nom du Conseil au débat sur le projet de budget commun de l’UE pour 2016, suite à l’accord marqué entre les deux institutions en comité de conciliation le 14 novembre 2015. Ce compromis, négocié à Bruxelles sous l’égide de la Présidence luxembourgeoise, a été formellement adopté par le Conseil le 24 novembre 2015, via la procédure écrite, et il sera soumis au vote de la plénière du Parlement le 25 novembre.
Lors du débat, Pierre Gramegna a salué "un très bon résultat pour toutes les institutions et surtout pour l’Europe", évoquant "l’unité, la solidarité et l’efficacité de l’Union européenne".
Le contexte
Pour mémoire, le 14 novembre 2015, le Conseil et le Parlement européen ont trouvé un accord sur le budget 2016 de l'UE dans le cadre de la procédure de conciliation engagée suite à l'adoption par le Parlement, le 28 octobre 2015, d'amendements sur le projet de budget que le Conseil n'avait pas été en mesure d'accepter. En vertu de ce compromis, le niveau des engagements est arrêté à 155 milliards d’euros et celui des paiements à 143,89 milliards.
L’accord prévoit notamment, pour répondre à la crise de la migration, des engagements à hauteur de 4 milliards d'euros dédiés à l'assistance d'urgence aux Etats membres les plus durement touchés et aux pays tiers accueillant des réfugiés, ainsi qu'à l'aide humanitaire. Cet accord budgétaire reflète également l'importance qu'accordent le Conseil et le Parlement à la promotion de la croissance et à la création d'emplois: les engagements au titre du programme-cadre de recherche Horizon 2020 atteindront 9,54 milliards d'euros, soit une augmentation de 31,8 millions d'euros par rapport au projet de budget proposé par la Commission.
Le Conseil et le Parlement ont réaffirmé que la réduction du chômage des jeunes restait une priorité et ils se sont engagés à exploiter au mieux l'initiative pour l'emploi des jeunes. En outre, l'accord porte sur un ensemble de mesures pour un montant total de 698 millions d'euros en vue de soutenir les agriculteurs européens et de répondre à l'extension de l'embargo de la Russie sur l'importation de certains produits agricoles provenant de l'UE ainsi qu'à la situation difficile notamment dans les secteurs du lait et de la viande porcine. S'agissant de l'engagement des institutions de l'UE en 2013 de réduire leur personnel de 5 % sur la période 2013-2017, le Parlement a promis d'atteindre cet objectif d'ici à 2019, mais a exclu les postes temporaires pour les groupes politiques du champ d'application de l'obligation de réduction.
L’intervention du Conseil et de la Commission
Lors de son intervention, le ministre a détaillé certaines rubriques du budget 2016 de l’UE. Pierre Gramegna a souligné que les montants pour faire face à la crise des réfugiés avaient été doublés, passant de 2 milliards d'euros dans le budget initial à 4 milliards d’euros. Ils serviront à financer des actions en interne et dans les pays de provenance, a précisé le ministre.
19 milliards d’euros seront consacrés à la croissance et l’emploi en Europe, dont près de 18 milliards d’euros seront directement investis dans les mesures créatrices de croissance et d’emploi et plus d’un milliard d’euros seront consacrés à l'Initiative emploi jeunes, a indiqué Pierre Gramegna.
En outre, des crédits nécessaires sont prévus pour diminuer les arriérés de paiements (le "backlog") qui passeront l’année prochaine de 17 milliards à 2 milliards d’euros.
Il a encore noté que le budget prévoyait "une certaine prudence budgétaire avec une marge de près de 800 millions d'euros en crédits de paiement".
Enfin, les crédits pour le fonds de sécurité intérieure ont été augmentés, a indiqué le ministre.
En conclusion, Pierre Gramegna a rappelé que le budget tenait à "trouver l’équilibre entre trois contraintes", à savoir la croissance et les investissements, les urgences et les priorités autour des réfugiés et enfin les contraintes budgétaires propres au Parlement européen et aux Etats membres.
La vice-présidente de la Commission européenne en charge du Budget, Kristalina Georgieva, a pour sa part mis en avant l’augmentation du budget de 3,2 % par rapport au budget 2015, avec notamment un triplement des fonds destinés à l’asile et aux migrations. Quant à la rubrique des paiements, elle a relevé une hausse de 1,8 % par rapport au budget 2015.
Sur les paiements, elle a souligné que la Commission travaillait à la mise en œuvre du plan de paiements sur lequel se sont accordées les institutions et que dans le même temps, elle dirigeait les capacités limitées d’augmentation "là où cela compte le plus".
Elle a encore souligné l’engagement fort de la Commission dans ce contexte à suivre la mise en œuvre budgétaire "de manière à réagir sur de nouvelles priorités quand elles émergent". Quant à la souplesse du budget, elle a reconnu que si elle était faible, une marge d’urgence était prévue pour 2016.
Le débat
Le président de la commission des Budgets (BUDG) au Parlement européen, Jean Arthuis (ALDE), s’est félicité que, dans un contexte particulièrement contraint, le Parlement ait "bien rempli sa mission". Il a salué le travail des trois institutions et a appelé les eurodéputés à voter en faveur de ce compromis. "Nous avons voulu que ce budget soit au service de la croissance et de l’emploi et qu’il réponde aux défis des migrations et de l’accueil des réfugiés", a-t-il souligné.
Il a cependant relevé le caractère "verrouillé" du budget dans le Cadre financier pluriannuel (CFP) 2014 - 2017 adopté fin 2013, qui "nous laisse démunis dès que survient une crise majeure", alors qu’une situation exceptionnelle nécessiterait des financements qui le soient tout autant.
Jean Arthuis a insisté à cet égard sur le fait que le Parlement avait donné son accord sur le CFP "à condition" d’une révision à mi-parcours et qu’il attendait de la Commission européenne qu’elle soumette un projet "à la hauteur des enjeux" des missions confiées par les Etats membres à l’UE et de celles à venir. "J’espère que les deux branches de l’autorité budgétaire pourront aborder ce rendez-vous avec gravité, lucidité, et courage", a-t-il dit, appelant le Conseil à "manifester les mêmes dispositions d’esprit que celles qui ont prévalu lors de la conciliation".
Sur la question des arriérés de paiements, Jean Arthuis a encore insisté sur le fait que l’apaisement actuel constaté en la matière était la conséquence de "l’inertie et du report de lancement" de certains programmes, et que dès 2017 les factures allaient à nouveau "s’amonceler à des niveaux exceptionnels".
Le rapporteur José Manuel Fernandes (PPE) a quant à lui évoqué un "accord positif" qui "répond aux souhaits ardents évoqués et aux défis et priorités définis par le Parlement". Par rapport au premier projet de budget, les crédits d’engagement ont été augmentés de 1 200 millions d’euros et les crédits de paiement de 2 650 millions d’euros, a souligné le rapporteur, qui s’est félicité que l’initiative Emploi jeunesse devienne une priorité des institutions.
Gérard Deprez (ALDE), l’un des rapporteurs du budget, a de son côté mis en avant le caractère "doublement rigoureux" du budget 2016, qui, si l’on excepte une dotation exceptionnelle de 15 millions d’euros pour la sécurité des bâtiments et la sécurité informatique, augmente de 1,6 % par rapport à 2015 alors que le Parlement a par ailleurs convenu un effort supplémentaire de 10 millions d’euros d’économies de fonctionnement.
Le rapporteur a aussi qualifié le budget comme un budget de loyauté institutionnelle, particulièrement concernant l’engagement du Parlement sur la réduction des effectifs de 5 % qui "s’oblige" à réaliser cette réforme dès 2019, avec un échéancier précis qui débute en 2017. Il a cependant souligné "avec force" que cet effort se fera en excluant les postes temporaires pour les groupes politiques du champ d'application de l'obligation de réduction. "Les groupes politiques, leur travail, leur dynamisme, leur confrontation et leur capacité de compromis constituent l’essence même de la dynamique du Parlement européen, diminuer leur capacité d’action serait un mauvais coup qui ne ferait que renforcer la bureaucratie et la technocratie, parfois arrogante, des autres institutions européennes".
En conclusion, le député a estimé que si le budget 2016 n’était pas la nouvelle merveille du monde, il s’agissait d’un "bon budget de transition avant la révision des perspectives financières" en 2017.
Lors du débat, la plupart des groupes parlementaires ont salué un bon accord dans les circonstances actuelles, tout en mettant en garde pour l’avenir. Eider Gardiazabal Rubial (S&D) s’est ainsi félicitée d’un bon accord, qui fournit des ressources extraordinaires dans une situation extraordinaire et qui poursuit l’investissement dans la croissance et l’emploi. Elle a néanmoins appelé à ne pas se complaire alors qu’il s’agit de s’attaquer aux problèmes structurels qui entourent procédure budgétaire. Son collègue Nedzhmi Ali (ALDE) a estimé que le niveau des engagements et paiements avait inversé certaines tendances du Conseil et qu’il allait dans la bonne direction. Ernest Maragall (Verts/ALE) a de son côté noté que si le budget était encore loin être optimal, avec très peu de recettes et des problèmes concernant les dépenses, les marges de flexibilités avaient été utilisées et que son groupe voterait favorablement vu le travail accompli. En revanche, Bernd Kölmel (ECR) ne partage pas ce constat positif, l’eurodéputé critiquant le montant des fonds octroyés dans la gestion de la crise des réfugiés et l’absence de solutions pérennes.