Affaires économiques et financières
Ministres au Parlement européen

Pierre Gramegna a présenté la position du Conseil sur le budget 2016 de l’UE au Parlement européen

Pierre Gramegna au Parlement européen le 08 septembre 2015Le ministre des Finances et président du Conseil Ecofin, Pierre Gramegna, s’est rendu devant la plénière du Parlement européen, le 8 septembre 2015 à Strasbourg, afin de présenter la position du Conseil sur le projet de budget de l'Union européenne (UE) pour l'année 2016. Cette position, adoptée par le Comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l’UE sur la base d’un texte de compromis de la Présidence luxembourgeoise le 9 juillet 2015, avait été confirmée à l’unanimité par le Conseil le 4 septembre suivant.

S’il se veut "le reflet de la solidarité interne et externe de l’Europe", le budget 2016 de l’UE aura pour objectif principal de "soutenir la relance économique, les investissements et la création d'emploi, tout en stimulant le financement des politiques migratoires et de l’action extérieure de l’Union", a précisé Pierre Gramegna. La position du Conseil prévoit 153,27 milliards d'euros en crédits d’engagement et 142,12 milliards d'euros en crédits de paiement.

En guise d’introduction, Pierre Gramegna a tenu à souligner "le soutien qu’apporte l’UE en complément des initiatives des Etats membres" au regard de la pression migratoire qui affecte l’Europe, une situation qu’il a qualifiée de "tragique (…), avec des dizaines et des dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui la guerre et mis tous leurs espoirs dans l’Europe".

Le ministre a tenu à rappeler que les deux fonds principaux en gestion partagée, l’AMIF (Fonds pour l’asile, la migration et l’intégration) et l’ISF (Fonds pour la sécurité intérieure) sont dotés respectivement de 1,3 milliard et de 3,7 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Pierre Gramegna a encore indiqué qu’en 2015, plus de 45 programmes nationaux ont été approuvés pour un montant d’un peu plus d’un milliard d’euros en engagements, et qu’un peu plus de 210 millions d’euros de préfinancement ont déjà été débloqués par la Commission. Par ailleurs, la composante Aide d’urgence de ces deux fonds a permis de débloquer un peu plus de 60 millions d’euros, a encore précisé le ministre, rappelant que le Conseil et le Parlement européen ont approuvé en mai 2015 l’Agenda européen en matière de migration pour une meilleure gestion des flux migratoires, ainsi que le budget rectificatif n°5 à cet effet.

Enfin, Pierre Gramegna a tenu à souligner que l’UE est "l’un des principaux bailleurs de fonds dans la région avoisinant la Syrie", avec 855 millions d’euros d’aide humanitaire qui ont été alloués aux réfugiés de Syrie, du Liban, de la Jordanie et de la Turquie pour 2016. Par ailleurs, des crédits d’engagement à hauteur de 150 millions d’euros pour la relocalisation des réfugiés en faveur de la Grèce et de l’Italie pour la relocalisation de 40 000 réfugiés ont été acceptés par le Conseil.

Pierre Gramegna a ensuite passé en revue les grands principes qui ont guidé les travaux du Conseil. Dans sa position, le Conseil a notamment inclus les crédits nécessaires pour mettre en œuvre l'accord sur l'échéancier de paiement pour 2015 et 2016, permettant de régler le problème des arriérés de paiement d’ici à la fin de 2016, a indiqué le ministre. Deuxièmement, le Conseil a retenu dans leur totalité les dotations prévues pour alimenter le Fonds européen pour les investissements stratégiques en 2016, "une priorité absolue" selon le ministre. Quant à la politique migratoire, elle sera dotée de crédits conséquents, les fonds alloués à l’AMIF devant augmenter de 35 % par rapport à 2015 (+ 515 millions d’euros). Il en va de même pour l’aide humanitaire, qui verra ses crédits de paiement augmenter de 16 % comparé à 2015, pour s’établir à plus d’un milliard d’euros.

Les réductions de crédits retenues par le Conseil ont pour leur part été définies en fonction de paramètres précis tels que les taux d'avancement des programmes et des projets, les taux d'exécution passés et escomptés, ainsi que les capacités d'absorption prévisibles et réalistes, a encore indiqué Pierre Gramegna. Par ailleurs, les lignes budgétaires ajustées par le Conseil sont principalement celles pour lesquelles la Commission a proposé de fortes hausses en crédits de paiement par rapport à 2015, a indiqué le ministre, précisant que malgré les réductions du Conseil, les augmentations des crédits pour 2016 "demeureront substantielles".

Enfin, dans le contexte des "instabilités politiques et parfois dramatiques autour de l’UE", le Conseil "a jugé indispensable de trouver un compromis équilibré et responsable" et a veillé à laisser des "marges suffisantes" destinées à faire face aux situations imprévues au cours de l’exercice budgétaire 2016, a expliqué Pierre Gramegna.

La position du Conseil

Dans sa position, qui s’élève à 153,27 milliards d'euros en crédits d’engagement et 142,12 milliards d'euros en crédits de paiement, le Conseil a retenu une augmentation des crédits de paiement de 0,6 % par rapport à 2015 (soit 839 millions d’euros). S’agissant des crédits d'engagement, le Conseil a retenu une diminution de - 5,4 % (8,7 milliards d’euros) par rapport à 2015, en comparaison des - 5 % proposés par la Commission dans son projet de budget. Elle devrait contribuer à réduire l'écart entre les crédits d’engagement et de paiement, donc le fameux reste-à-liquider (RAL), et à réduire le risque d’arriérés de paiement.

Le ministre a ensuite détaillé les différentes rubriques du projet de budget de l’UE 2016 du Conseil.

Sur la "compétitivité pour la croissance et l'emploi", une rubrique "au cœur" des priorités politiques en faveur des investissements et de l'emploi selon le ministre, le Conseil a retenu une hausse des crédits par rapport à 2015 de + 8,6 % en paiements (soit + 1,4 milliard d’euros) et de + 7 % en engagements (+ 1,2 milliard).

Les réductions retenues par le Conseil concernent surtout les grands projets d'infrastructures, et notamment Galileo, ITER et Copernicus, des baisses touchant les dépenses administratives du programme Horizon 2020, ainsi que les entreprises communes. Les crédits de paiement du programme de recherche croîtront malgré tout de + 9,3 % (+ 840 millions) par rapport à 2015, pour s’établir à 9,9 milliards d’euros.

Le Conseil a par ailleurs "légèrement modulé à la baisse" (‑21 millions d’euros par rapport au projet de budget de la Commission) le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, dont le budget augmente malgré tout de + 53 % en engagements (+ 760 millions d’euros) et de + 14 % en paiements (+ 203 millions d’euros). Cela est "fort proche" de ce que la Commission proposait dans son projet de budget 2016, a dit Pierre Gramegna.

En revanche, les programmes COSME et Erasmus+, "très prisés en Europe", n'ont pas été affectés. Erasmus+ sera ainsi doté de 1,8 milliard d’euros en 2016, soit une hausse de + 30 % par rapport à 2015.

Pour la rubrique "Cohésion économique, sociale et territoriale", la position du Conseil retient une réduction de 0,45 % en crédits de paiement (soit - 220 millions d’euros), a poursuivi le ministre.

Le Conseil a par ailleurs retenu une légère réduction de - 0,45 % en paiements (soit - 251 millions d’euros) et de - 0,32 % en engagements (‑ 200 millions) par rapport au projet de budget 2016 de la Commission dans la rubrique "Croissance durable: ressources naturelles".

Pour la rubrique "Sécurité et citoyenneté", les crédits retenus "augmentent fortement" par rapport à 2015, a indiqué Pierre Gramegna (+ 8,7 % en crédits d'engagement et + 15,4 % en crédits de paiement). "Cette hausse concerne essentiellement les actions dans le domaine migratoire, priorité politique de l’UE", a-t-il souligné, notant que le Conseil avait également accepté la mobilisation de l'instrument de flexibilité dans ce contexte.

En ce qui concerne la rubrique "l'Europe dans le monde", le ministre a relevé que le Conseil avait "repris en grande partie" les propositions de la Commission. Les crédits de paiement augmentent ainsi de + 22,4 % par rapport à 2015, (soit + 1,666 milliard d’euros), pour s’établir à plus de 9 milliards d’euros en paiement. "Je tiens à souligner que le Conseil s’est aligné sur le montant des crédits proposés par la Commission s’agissant de l'aide humanitaire, de la protection civile, de l'aide macro-financière aux pays tiers, du Fonds de garantie pour les actions extérieures ou encore du soutien aux Palestiniens", a-t-il poursuivi.

S’agissant de la rubrique "Administration", le Conseil a retenu une baisse modérée de - 31 millions, "ce qui n'affectera pas le bon fonctionnement des institutions de l’Union en 2016", a indiqué Pierre Gramegna, qui a souligné que le Conseil n’avait d’ailleurs "pas modifié le budget administratif du Parlement européen". Le Conseil "restera vigilant quant à la poursuite de la réduction des effectifs de - 5 % jusqu'en 2017 prévue" par toutes les institutions. Une réunion a d’ailleurs été prévue à l’issue du trilogue du 14 juillet sur le budget pour discuter avec la Commission et les deux branches de l’autorité budgétaire de ce sujet, a-t-il indiqué.

La réponse de la Commission

La commissaire européenne en charge de la politique régionale, Corina Creţu, a de son côté souligné que la Commission était "inquiète" des coupes proposées sur un certain nombre de lignes budgétaires, "justifiées par des taux d’exécution supposément bas». La Commission "ne partage pas" non plus les raisons du Conseil pour les "coupes substantielles" qu’il propose dans le programme Horizon 2020 et dans  celui du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, jugeant ces baisses "découplées" des priorités politiques de l’UE. De même pour les baisses retenues pour les instruments relatifs à la politique de voisinage, la préadhésion  et la coopération au développement.

Enfin, la commissaire a rappelé les efforts de la Commission pour assurer une gestion saine et limiter les dépenses administratives, regrettant que la position du Conseil "semble ignorer ces efforts". Elle a par ailleurs indiqué que suite à la présentation le 9 septembre de la proposition de la Commission sur la crise des réfugiés et la mise sur la table d’un paquet d’urgence de 500 millions d’euros pour faire face à l’effondrement de certains produits agricoles, une lettre rectificative détaillant l’impact financier de ces mesures serait sera soumise au mois d’octobre.

La réponse des rapporteurs du Parlement européen

José Manuel Fernandes (PPE), rapporteur de la Commission des budgets (BUDG), a qualifié la position du Conseil d’ "inacceptable", d’ "incompréhensible" et d’ "incohérente", dénonçant des "coupes de 1,4 milliard d’euros pratiquées par le Conseil par rapport à la proposition de la Commission", notamment dans des instruments qui ont une "très bonne absorption", comme Horizon 2020 ou le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe. "Cela va à l’encontre de vos propositions et de vos priorités", a-t-il insisté. 

S’il a salué l’amélioration de la situation des crédits de paiement pour 2016, Gérard Deprez (ALDE), rapporteur lui aussi de la commission BUDG, a mis en garde contre le fait que cela ne durera pas car, selon lui, "structurellement, rien n’a été fait pour éviter la situation devant laquelle ont se trouvera avant la fin des actuelles perspectives financières".

Par ailleurs, en ce qui concerne la relocation et la répartition des réfugiés en Europe, "il faut que les moyens budgétaires suivent" a mis en garde Gérard Deprez, précisant que si le président de la Commission européenne "décide demain d’ajouter 120 000 bénéficiaires de relocalisation aux 40 000 déjà prévus, ce n’est pas loin de 960 millions d’euros qui devront être mobilisés". Pour l’heure, la Commission prévoit une augmentation de 169 millions d’euros par rapport à 2015 pour la politique migratoire, a-t-il rappelé.

Enfin, Gérard Deprez a dit lui aussi regretter les coupes dans le programme Horizon 2020 et du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, qualifiant cela de "profonde erreur".

  • Mis à jour le 08-09-2015