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Conférence de haut niveau TTIP – Xavier Bettel plaide pour un accord global et qualitatif

conférence "TTIP – What’s in it for the Social Partners?"La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, de concert avec le Parlement européen, la Commission européenne ainsi que le Comité économique et social européen (CESE), a organisé le 17 novembre 2015 à Bruxelles une conférence intitulée "TTIP – what’s in it for the social partners ?". Cet évènement, qui a réuni pour la première fois les partenaires sociaux des 28 Etats membres, visait à aborder avec ces derniers les questions relatives aux négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP en anglais) discuté actuellement entre l’UE et les USA et qui suscite un certain nombre de préoccupations.

"Nous voulons un accord global et qualitatif qui n’a pas vocation à remettre en cause nos modèles européens"

Le Premier ministre, Xavier Bettel, qui a prononcé le discours d’ouverture, a relevé que "jamais auparavant la politique commerciale communautaire n’a fait l’objet de débats aussi passionnés et, parfois, houleux", et notamment au Luxembourg. Selon le Premier ministre, ces divergences de vue se manifestent également au niveau des partenaires sociaux, notamment des syndicats. Dès lors, cette conférence visait à "mener un débat ouvert et constructif afin de fournir des réponses et des clarifications, mais surtout d’écouter vos revendications", a-t-il lancé à l’intention des partenaires sociaux.

L’un des principaux reproches des détracteurs du TTIP porte sur l’absence de transparence des négociations, a noté Xavier Bettel qui a évoqué la "divergence frappante" entre l’ampleur du futur accord et une approche de communication vis-à-vis des citoyens qualifiée de "traditionnelle". A savoir "communiquer afin de ne pas provoquer des questions qu’il est plus commode d’éviter que d’affronter", a dit le Premier ministre, qui a félicité la commissaire en charge du Commerce, Cecilia Malmström d’avoir "brisé cette tradition". Néanmoins, si la transparence est une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante, a poursuivi Xavier Bettel, qui a insisté sur la nécessité d’assurer que les informations rendues publiques soient compréhensibles car tant que les enjeux et les objectifs du TTIP ne seront pas compris, il ne sera pas accepté.

Selon Xavier Bettel, la position européenne est claire. "Nous ne voulons pas de TTIP à tout prix, nous voulons un accord global et qualitatif et qui, il faut le souligner, n’a pas vocation à remettre en cause nos modèles européens". Par ailleurs, le droit des gouvernements à poursuivre leurs objectifs de politique publique en matière de la protection de la santé et des travailleurs, de consommateurs et de l’environnement "n’est aucunement remis en cause", a-t-il rassuré.

Pour ce qui est des bénéfices, le TTIP permettra "d’approfondir les liens transatlantiques" et contribuera également "à rehausser la compétitivité des entreprises européennes et ceci au moment où l’attention de nos partenaires américains se concentre davantage sur les marchés asiatiques", a-t-il poursuivi. L’accord permettra notamment d’abolir les dispositions discriminatoires, le doublement du fardeau bureaucratique ainsi que des tarifs douaniers "qui, pour certains produits, sont loin d’être négligeables en termes de coûts additionnels et qui compliquent la vie des entreprises", notamment des PME souhaitant exporter aux Etats-Unis.

Le président du CESE, Georges Dassis, a de son côté insisté sur le fait que l’UE avait toujours promis d’intégrer son agenda social dans ses politiques, et que tel devait donc aussi être le cas de la politique commerciale. Alors que les craintes de la société civile sur l’abaissement des normes ont focalisé une attention publique sans précédent sur les négociations du TTIP, le président a plaidé pour faire évoluer la politique commerciale dans le sens qu’elle puisse bénéficier à tous.

Georges Dassis a encore relevé les "attentes légitimes" des partenaires sociaux dans ce contexte, qu’il s’agit de ne pas décevoir. Il faut donc selon lui communiquer sur tous les aspects, positifs et négatifs de l’accord, qui produira des gagnants et des perdants. A cet égard, il a appelé à ce que les effets négatifs potentiels du TTIP soient mieux évalués afin d’être gérés.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a pour sa part souligné que sans commerce et sans échanges, l’économie européenne serait au point mort. "La mondialisation économique n’est pas un agenda politique, c’est un fait dont on doit s’accommoder, c’est de notre responsabilité", a-t-il dit. Dès lors, pour "modeler" la mondialisation, il faut saisir les opportunités comme le TTIP en vue de "préserver nos règles et nos valeurs" alors que les USA et l’UE représentent 50 % du PIB mondial, a poursuivi le président.

Martin Schulz a salué les progrès en matière de transparence des négociations, qui permettent désormais de "discuter sur base de faits" ainsi que l’évolution de la Commission au sujet du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (ISDS en anglais) très critiqué par les opposants au TTIP qui le qualifient de justice privée. Dans sa résolution du 8 juillet 2015 portant sur le TTIP, le Parlement européen avait appelé à une réforme de ce mécanisme et il a été entendu, a relevé son président. "Il revient désormais aux USA de dire s’ils veulent vraiment cet accord et s’ils sont prêts à prendre en compte les attentes des citoyens de l’UE".

"De manière générale le TTIP ne changera en rien les normes et standards internes de l’UE"

Lors de la table ronde de haut niveau sur le TTIP le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a rappelé que le TTIP était négocié sur base d’un mandat du Conseil, donc des 28 Etats membres, sous le contrôle du Parlement européen, des gouvernements ainsi que des parlements nationaux "qui auront à approuver l’accord". Par ailleurs, les progrès en matière de transparence, au sujet de laquelle "la Présidence milite sans relâche" sont "considérables", a dit le ministre.

"De manière générale le TTIP ne changera en rien les normes et standards internes de l’UE", a poursuivi le ministre qui a indiqué qu’il visait à mettre en place des mécanismes de coopération pour le développement des normes et standards futurs dans un monde globalisé. Au contraire, "nos standards sociaux, y compris notre droit du travail, sortiront renforcés de cet accord", a-t-il promis, soulignant qu’il n’y aurait "pas de dumping social par le biais du TTIP".

Le ministre a encore insisté sur le fait que les systèmes de protection des données, qui différent trop fortement des deux côtés de l’Atlantique, ne seront pas harmonisés et qu’une attention particulière sera portée "au respect de nos sensibilités agricoles, y compris sur des sujets très médiatisés comme les OGM" pour lesquels le TTIP "ne changera pas notre position". En outre, il n’y aura pas d’automatisme entre exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis et dans l’UE, car celle-ci relève de la compétence nationale.

La commissaire en charge du Commerce, Cecilia Malmström, a de son côté tenu à mettre en avant plusieurs éléments. Tout d’abord, les avantages économiques potentiels du TTIP profiteront tant aux employeurs qu’aux syndicats, alors que près de 5 millions d'emplois en Europe sont tributaires des exportations. "Cela facilitera les exportations et les créations d’emplois, et ce également pour les PME", a-t-elle dit. Par ailleurs, s’il est une réalité que davantage d’ouverture suscitera plus de compétition et que certains secteurs seront perdants quand d’autres progresseront, l’UE dispose des instruments pour accompagner ces changements, notamment les fonds structurels et de cohésion, a poursuivi la commissaire.

Cecilia Malmström a également relevé que la Commission avait la semaine précédente adopté sa proposition de chapitre sur le commerce et le développement durable, notamment en ce qui concerne le travail et l’environnement, dans le cadre du TTIP. Celle-ci comprend notamment une affirmation des deux parties quant au respect des éléments contenus dans les conventions fondamentales de l'Organisation internationale du Travail. Cependant, pour ce qui est de la surveillance et du respect de la mise en œuvre de ces règles et de la participation de la société civile, la Commission attend de progresser sur le contenu du chapitre avant de proposer des mécanismes de suivi.

Quant au mécanisme ISDS, la Commission a soumis aux USA une proposition de révision vers un système de "Cour d’investissement". Ce nouveau mécanisme permettrait de préserver le droit de réglementer et d’instaurer un mécanisme d’appel à caractère juridictionnel reposant sur des règles clairement définies, des juges qualifiés et des procédures transparentes, a-t-elle assuré.

Le président de la Commission du commerce international du Parlement européen et rapporteur du TTIP, Bernd Lange, a regretté que le débat public sur le TTIP se caractérise souvent par une insécurité alimentée dans quelques cas par des fausses informations. Selon lui, la transparence est indispensable pour garantir l’implication des partenaires sociaux et la société civile. Bien que les efforts puissent encore être intensifiés, l’initiative de la Commission a établi de nouveaux standards pour la transparence dans les négociations commerciales. Pour Bernd Lange, le TTIP devrait renforcer la compétitivité des économies de l’UE, offrir aux consommateurs de produits et de services plus innovateurs à des moindres prix, consolider le partenariat transatlantique et donner plus de poids aux valeurs européennes à une échelle globale.

Bernd Lange a également fait référence à la mise en œuvre des normes fondamentales de l’Organisation international du travail qui constitue l’élément central du chapitre du TTIP sur le développement durable. Dans ses recommandations à la Commission, le Parlement européen demande à ce que les dispositions de ce chapitre soient contraignantes et opposables.

Le directeur général de BusinessEurope, Markus J. Beyrer, a quant à lui insisté sur les bénéfices potentiels du TTIP. Le directeur a insisté sur l’accès aux marchés des USA, actuellement peu ouvert et transparent. Mais il a également plaidé pour un accord vivant qui puisse être adapté aux nouvelles barrières qui peuvent apparaître après la conclusion d’un tel accord. Sur l’ISDS, il a reconnu qu’il y avait de la place pour des améliorations, mais il a contesté le projet de réforme de la Commission, jugeant le débat "perverti". Les entreprises qui investissent à l’étranger sont dans une position de faiblesse par rapport au gouvernement, et pas l’inverse, a-t-il martelé.

La secrétaire confédérale de la Confédération européenne des syndicats (CES), Liina Carr, a rappelé que la mondialisation et le commerce pouvaient être positifs, mais que la CES voulait que ce commerce soit équitable et fonctionne sur base de règles équivalentes et justes. Elle a notamment regretté l’absence de mesures pour le suivi dans le chapitre sur le développement durable présenté par la Commission et appelé à la mise en place de mécanismes de supervision similaires à ceux prévus dans l’accord commercial avec la Corée du Sud qui incluent les partenaires sociaux. Enfin, il faudra que le TTIP produise des emplois de qualités, ce dont la CES doute, la confédération demandant à cet égard des études ciblées selon les secteurs.

  • Mis à jour le 17-11-2015