Affaires étrangères
Réunion ministérielle informelle

Conseil Affaires étrangères informel : Jean Asselborn et Federica Mogherini demandent un système commun de partage des responsabilités en matière de migration et d’asile

Federica Mogherini et Jean Asselborn, conférence de presse de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, le 5 septembre 2015 à LuxembourgLes ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont retrouvés le 4 et 5 septembre 2015 à Luxembourg pour une réunion informelle (dite "Gymnich"), dont l’ordre du jour était dominé par la crise migratoire.

"Il faut une répartition de la charge sur la base de critères fixes", a déclaré le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg Jean Asselborn, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion. Celui-ci assurait la co-présidence de cette réunion informelle avec la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de la sécurité, Federica Mogherini.

Jean Asselborn qui est également ministre de l’Immigration et de l’Asile a notamment cité comme critères de répartition la taille d’un pays ainsi que sa force économique. Selon lui, il y aura un débat sur la pérennité des mécanismes de réinstallation et de relocalisation de réfugiés et de demandeurs d’asile ayant manifestement besoin de protection internationale sur lesquels les ministres de l’Immigration s’étaient difficilement accordés lors du Conseil JAI extraordinaire du 20 juillet 2015.  "Je pense que nous allons dans la direction d’un mécanisme permanent", a-t-il précisé. 

Pour "éviter les énormes différences" entre les Etats membres en matière de taux de reconnaissance d’une demande d’asile  et de durée de procédure, Jean Asselborn a réitéré sa proposition d’établir une "juridiction européenne". Le ministre a par ailleurs appelé les Etats membres à respecter leurs obligations internationales. "Si une personne qui est persécutée et qui relève de la Convention de Genève frappe à notre porte, c’est notre devoir de la lui ouvrir", a-t-il insisté. Selon lui, "tout le monde est d’accord pour dire que c’est un problème européen qui nécessite une solution européenne".

Le ministre a encore précisé avoir été informé par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) que "sur les 300 000 migrants arrivés en Europe, 46 % sont Syriens, 12 % Afghans et un peu moins de 12 % Erythréens". A ces nationalités, Federica Mogherini a encore évoqué les Irakiens parmi les plus grands groupes de migrants et relevé que "l’on retrouve désormais aussi des Palestiniens parmi les flux de réfugiés". Dans un communiqué, l’UNHCR note que 300 000 personnes ont traversé la Méditerranée depuis le début de l’année, contre 219 000 pour l’année 2014. Sur les 300 000 personnes, 200 000 sont arrivés en Grèce et 110 000 en Italie. Le fait que tant de personnes sont arrivées en Grèce représente un "changement important", a indiqué Jean Asselborn qui a ajouté que "nous sommes prêts à aider les pays qui ont des difficultés", notamment en ce qui concerne l’enregistrement des migrants et réfugiés qui pose problème à la Grèce.

Federica Mogherini et Jean Asselborn, conférence de presse de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, le 5 septembre 2015 à LuxembourgLa Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a pour sa part évoqué une "réunion difficile" sur la "crise des réfugiés". "Il est temps de commencer à utiliser les mots justes : s’il s’agit partiellement de flux de migrants, il s’agit avant tout de flux de réfugiés. Cela change la donne concernant nos devoirs moraux et légaux", a-t-elle indiqué.

Selon la Haute Représentante, il est "de plus en plus clair chaque jour que cela n’affectera pas seulement un Etat membre", mais l’ensemble des pays de l’UE. S’il y a seulement quelques mois le problème était concentré dans certains Etats membres (Grèce, Italie, Espagne), il en touche désormais d’autres (Hongrie, Autriche, Allemagne) et il "pourrait en concerner d’autres dans les prochains mois", a-t-elle insisté. "J’espère que finalement nous réaliserons tous que ces personnes viennent en Europe, pas dans un Etat membre", a ajouté Federica Mogherini.

La Haute Représentante s’est par ailleurs félicitée de la discussion "très importante" menée avec les pays candidats à l’UE qui ont participé à la dernière session de la réunion, car ceux-ci sont situés sur la route dite des Balkans. "Les pays candidats sont sur le même bateau face à cette crise", a-t-elle poursuivi, soulignant le caractère "régional et global" d’une crise qui "ne concerne pas seulement l’UE, mais l’Europe en tant que continent". "Nous faisons face à des événements dramatiques", a insisté Federica Mogherini pour qui il s’agit donc de renforcer la coopération avec ces pays dans le contexte d’une crise où il y "urgence à agir" et qui est appelée à "s’inscrire dans la durée".

"Plus vite nous l’acceptons, plus vite nous serons capable de répondre de manière efficace", a encore estimé la Haute Représentante, qui juge que "le temps où l’on se montre du doigt est terminé" et qu’il "est temps de prendre des décisions et de les traduire en actions, cela de manière unie en tant qu’Européens". "L’UE s’est parfois développée dans l’histoire à travers les crises et je pense que nous sommes à un de ces moments. Il n’en va pas seulement de la crise des réfugiés, mais c’est le futur et le sens même de notre Union qui est en jeu", a encore estimé Federica Mogherini. Et d’ajouter que "les aspects externes de nos politiques nous permettent de chercher des solutions et d’agir, mais ce sont ses aspects internes qui renforcent ou affaiblissent la crédibilité de nos actions extérieures".

Or, s’il existe dans l’UE un "consensus" sur les aspects externes, ce n’est pas le cas des aspects internes, ou plusieurs Etats membres, en particulier à l’Est de l’UE, refusent catégoriquement tout mécanisme de répartition obligatoire des demandeurs d’asile et des réfugiés entre Etats membres. "Tout le monde réalise aujourd’hui qu’un mécanisme de partage des responsabilités est nécessaire, mais les positions sont très différentes sur la définition d’un tel mécanisme", a poursuivi la Haute Représentante avant de souligner la difficulté de fonctionnement d’un mécanisme volontaire quand il s’agit de parler de chiffres. Un système "très compliqué" et qui "prend du temps" alors que "nous n’avons pas ce luxe". "Nous avons besoin d’un système commun et rapide", a-t-elle insisté.

Lors de la réunion, les Etats membres et les pays candidats ont donc convenus de renforcer leur coopération sur cinq niveaux différents. Il s’agit de la protection des demandeurs d’asile, de la gestion des frontières "dans le respect des droits humains", de la lutte contre les passeurs, du travail avec les pays d’origine et de transit ainsi que de s’attaquer aux racines des problèmes, à savoir la "multiplication des conflits" et en particulier la crise libyenne et le conflit syrien.

Federica Mogherini est ensuite revenue sur le sujet du Moyen-Orient, également à l’ordre du jour de la réunion informelle des ministres. Un sujet qu’elle a d’ailleurs rapproché de la crise migratoire soulignant la présence parmi les flux de migrants et de demandeurs d’asile vers l’Europe de plus en plus de Palestiniens. La Haute Représentante a rapporté une discussion "longue et constructive" en vue de préparer les prochaines étapes et notamment le travail avec les partenaires du Quartet pour le Moyen-Orient (UE, USA, Russie et ONU) dans le processus de paix israélo-palestinien. "Faire en sorte de redémarrer le processus après plus d’un an de blocage est aussi un moyen de contribuer à une meilleure compréhension mutuelle et une meilleure coopération avec le monde arabe et le Moyen-Orient", a-t-elle estimé.

Les relations avec la Russie figuraient également à l’ordre du jour de cette réunion informelle. Federica Mogherini a fait état de discussions "bonnes et constructives" avec la Russie, notamment concernant les sujets de la pression migratoire, de l’accord avec l’Iran et du processus de paix au Moyen-Orient. Elle a néanmoins évoqué les relations difficiles des voisins orientaux de l’UE dans leurs relations avec la Russie, sur fond de la crise ukrainienne, et elle a rappelé que l’UE soutient la mise en œuvre "complète" des accords de Minsk.  

  • Mis à jour le 05-09-2015