Le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, Jean Asselborn, a demandé une solution européenne à la pression migratoire et appelé à la solidarité, à son arrivée à la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE qui se tient les 4 et 5 septembre 2015 à Luxembourg et dont une partie de l’ordre du jour est réservée à la migration.
"Cette problématique dépasse celle de la crise financière en Grèce et nous occupera la prochaine décennie", a jugé le ministre qui assure la co-présidence de cette réunion informelle avec la la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de la sécurité, Federica Mogherini. "Il ne peut pas y avoir de solution nationale, mais seulement européenne", a-t-il insisté. "L’Europe est le synonyme de valeurs, de droit international et d’humanité. L’Europe risque de perdre sa face et son essence et se rend coupable si elle met en question ces valeurs", a-t-il insisté, ajoutant que "l’image de l’Europe dans le monde est en jeu".
Jean Asselborn a salué l’annonce du Royaume-Uni d’accueillir des milliers de réfugiés syriens supplémentaires et appelé l’UE à soutenir la Grèce qui a de "graves problèmes". Les réfugiés et migrants qui y arrivent doivent être enregistrés, recevoir des vêtements et être soumis à un contrôle sanitaire, a-t-il dit. "Il faut mettre terme à cette migration du sud vers le nord", a-t-il insisté et appelé à créer un système de quotas ou de répartition "humain". "C’est faisable et c’est un notre devoir", a-t-il ajouté, précisant qu’il attend des résultats concrets pour le Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI) d’octobre, suite aux travaux du Conseil JAI extraordinaire convoqué par la Présidence luxembourgeoise pour le 14 septembre 2015. "Aucun pays européen ne peut prétendre ne pas avoir une culture ou une tradition d’accueil de réfugiés", a-t-il encore dit.
Interrogé sur un système de garde-frontières européen qu’il avait proposé lors d’une intervention à la Conférence des ambassadeurs de l’UE à Bruxelles la veille, Jean Asselborn a dit que ce serait envisageable "en temps de crise" pour les Etats membres qui "n’arrivent pas eux-mêmes à le faire". Insistant sur les "divergences importantes" en matière du taux de reconnaissance et de la durée de traitement d’une demande d’asile, le ministre a encore proposé une juridiction européenne pour fixer les mêmes règles et normes dans tous les Etats membres pour les affaires d’asile, une tâche qui pourrait revenir au Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO).
La migration et la crise des réfugiés seront au cœur des débats, a expliqué Federica Mogherini, lors de son arrivée à Luxembourg. Le travail se focalisera sur la coopération avec les pays d’origine et de transit, a-t-elle estimé. "Nous compléterons ainsi le travail des ministres de la Défense et des ministres de l’Intérieur", a-t-elle ajouté, soulignant l’importance d’une approche cohérente des politiques internes de l’UE.
Frank-Walter Steinmeier : "il faut une politique d’asile européenne commune, des normes et des procédures communes en Europe"
Pour le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, il faut une "politique d’asile européenne commune, des normes et des procédures communes en Europe". "Ce n’est pas en pointant son voisin du doigt que le problème va se résoudre", a-t-il indiqué. "Nous devons trouver un autre mode de coopération", a-t-il encore dit, ajoutant que l’Europe n’avait "pas le droit de se diviser face à un tel défi".
Et le ministre d’évoquer une proposition qu’il a soumise avec ses homologues français et italien, Laurent Fabius et Paolo Gentiloni, aux autres Etats de l'UE, et qui définit leur conception de la politique d’asile européenne mais aussi la solidarité européenne. Selon les trois ministres, il faut une répartition plus équitable des réfugiés au sein de l’UE car "il n’est pas concevable que quatre ou cinq pays soient les seuls responsables de l’accueil de tous ceux qui se sont mis sur la route de l’Europe", a encore indiqué Frank-Walter Steinmeier.
Mais il faut aussi que l’Europe s’entende sur une liste des pays d’origine sûrs, a pointé le ministre allemand, pour qui il faut "proposer aux gens des pays d’origine, et particulièrement d’Afrique, des raisons d’y rester". Cela présuppose, selon lui, que l’UE et les Etats membres mettent en place dans ces pays une politique qui soit "beaucoup plus attractive et qui offre des emplois aux jeunes ainsi que des perspectives de croissance". Il faut également renforcer l’opération navale EUNAVFOR et la lutte contre les activités criminelles des passeurs, a conclu Frank-Walter Steinmeier.
Péter Szijjártó : "la Hongrie respecte toutes les règlementations européennes"
Le ministre hongrois Péter Szijjártó a indiqué que son pays connaissait "une situation dramatique" et avait enregistré l’arrivée de 163 000 migrants dont 99,3 % sont passés par la frontière avec la Serbie. "La Hongrie est dévouée et engagée à respecter toutes les règlementations européennes, que ce soit Schengen ou Dublin", a-t-il dit, soulignant que le règlement Schengen prévoit qu’il est de la responsabilité des Etats membres situés aux frontières extérieures de l’UE de contrôler ces frontières et "de les défendre" et que leur passage ne peut se faire qu’à des points officiels. "C’est pour cela que nous avons construit une clôture", a-t-il poursuivi, en référence à la clôture barbelée érigée par la Hongrie sur ses 175 km de frontière commune avec la Serbie.
Le ministre a par ailleurs indiqué que son pays avait mis en place des zones de transit dans lesquelles les migrants peuvent déposer leurs demandes d’asile et attendre la décision, ce qui nécessite selon lui "quelques jours". Il a par ailleurs affirmé que la Hongrie assurait les fournitures essentielles aux migrants dans ces camps, mais pas dans la gare de Budapest qui n’est pas destinée à l’accueil de ces personnes.
La situation à Budapest justement, où plusieurs milliers de migrants ont tenté de prendre des trains vers le reste de l’UE, résulte selon lui "de migrants qui refusent la coopération avec les autorités hongroises" et notamment leur enregistrement en vue de respecter le règlement de Dublin (qui prévoit que premier le pays d’entré des demandeurs d’asile, où ils doivent être enregistrés, soit celui qui traite leur demande). Il a assuré que la Hongrie avait enregistré tous les migrants entrés dans le pays mais que "des messages mal interprétés" avaient "provoqué l’agressivité de certains migrants". Dès lors, pour respecter ses obligations, la Hongrie a suspendu le trafic vers l’Ouest de l’UE.
Le ministre a encore dit que la Hongrie accueillait et était prête à accueillir des réfugiés "mais pas des migrants économiques", appelant à faire une "distinction claire". "L’Europe doit arrêter de créer des attentes irréalistes chez des personnes qui veulent venir en Europe simplement pour des raisons économiques".
Paolo Gentiloni : "il faut avancer vers l’objectif ambitieux d’un droit d’asile commun"
"Il ne s’agit pas seulement d’’un problème de quotas, mais il s’agit d’avancer vers l’objectif ambitieux d’un droit d’asile commun", a déclaré pour sa part Paolo Gentiloni, ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale. Le principe selon lequel les personnes demandent l’asile dans le pays par lequel elles entrent dans l’UE ne fonctionne plus, constate-t-il. Les gens qui fuient la guerre ou des dictatures sanguinaires cherchent refuge dans l’UE, et non dans le premier pays dans lequel le hasard les conduit, estime le ministre. Il craint qu’en laissant chaque pays gérer seul ses problèmes, voire les pays les uns contre les autres, on ne menace Schengen et la libre circulation.