Justice et Affaires intérieures
Ministres au Parlement européen

Nicolas Schmit a exposé devant le Parlement européen la position du Conseil sur le paquet "Frontières intelligentes"

pe-schmit-bordersLe ministre luxembourgeois en charge des relations avec le Parlement européen au cours de la Présidence luxembourgeoise du Conseil, Nicolas Schmit, est intervenu le 28 octobre 2015 au nom du Conseil devant la plénière du Parlement européen réunie à Strasbourg sur le paquet "Frontières intelligentes" (Smart Borders en anglais). Il répondait à une question orale du député européen britannique Claude Moraes (S&D).

Pour rappel, la proposition législative que la Commission européenne a présenté en février 2013 vise à améliorer la gestion des frontières extérieures et à contribuer à la lutte contre la migration irrégulière. Le paquet comprend 3 actes législatifs: un règlement établissant un système d'entrée/sortie (EES), un règlement établissant un programme d’enregistrement des voyageurs (RTP) ainsi qu’un règlement modifiant le code frontières Schengen pour y incorporer le fonctionnement de ces 2 systèmes.

L’EES vise notamment à établir un système fiable et rapide pour calculer la durée de séjour autorisée de chaque voyageur alors qu’actuellement, le temps passé par chaque personne sur le territoire de l'UE doit être calculé manuellement grâce à un cachet, ce qui ralentit le franchissement des frontières. Il permettrait aussi de faciliter l'identification de toute personne qui a dépassé la durée de son droit de séjour ("overstayers").

Vu l’opposition de la commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen et les réticences de certains Etats membres, la Commission européenne a lancé une étude technique, publiée en octobre 2014, ainsi qu’un projet pilote. Elle s’est engagée à revoir le paquet et à présenter une nouvelle proposition unique au début de l’année 2016, après avoir effectué une étude d’impact.

Dans sa question, Claude Moraes demande au Conseil si le RTP était la "réponse appropriée" à l’actuelle situation, à savoir l’augmentation constante des franchissements des frontières sur fond de la crise des réfugiés. Il s’interroge également sur l'accès au système à des fins répressives, les aspects liés à la protection des données ainsi que les les coûts du projet.

Un système qui facilitera l'identification des personnes à la frontière et à l'intérieur du territoire

Dans sa réponse, Nicolas Schmit a affirmé que la création d'un système européen d'entrée/sortie est "un pas nécessaire pour préserver l'espace Schengen", vu l’urgence du contexte actuel. Il a rappelé que le dernier Conseil européen du 15 octobre 2015 avait appelé dans ses conclusions à "mettre au point des solutions techniques pour renforcer le contrôle des frontières extérieures de l'UE en vue d'atteindre les objectifs poursuivis aussi bien en matière de migration que de sécurité, sans nuire à la fluidité des mouvements".

Pour le ministre, un système européen d'entrée/sortie (EES) devrait mener à une "harmonisation et à une standardisation des contrôles aux frontières et conduire à un niveau de sécurité plus élevé". Selon lui, ce système apportera plus de certitude pour le calcul de la période de séjour autorisée. Les gardes-frontières disposeraient "de plus de temps pour identifier les passagers posant un risque migratoire ou sécuritaire", alors qu’ils perdent aujourd’hui "à regarder le compostage des documents de voyage et à calculer la période de séjour autorisée". En outre, le fait que le compostage ne soit plus nécessaire permettra d'étendre l'utilisation des portes ABC ("Automatic Border Control") à une partie des voyageurs pour lesquels le passage de la frontière sera plus fluide, a encore insisté Nicolas Schmit.

Un système européen d'entrée/sortie facilitera l'identification des personnes à la frontière et à l'intérieur du territoire, a poursuivi le ministre, soulignant que cela n'aurait pas pu être atteint par une simple mise à niveau du Système d’information Schengen (SIS) II, ni par un remaniement du système d'information sur les visas (VIS), comme l’avait indiqué la Commission européenne dans l’étude technique. Selon le ministre, une majorité au Conseil préfère à ce stade une approche progressive pour intégrer les deux systèmes EES et RTP dans le système d'information sur les visas (VIS). L'interopérabilité entre les futurs systèmes européens et les systèmes nationaux existants contribueront à réduire le coût final de ce projet, a ajouté le ministre. Le Conseil partage les préoccupations du Parlement de ne pas dépasser le budget strictement nécessaire au fonctionnement efficace du système, a-t-il encore affirmé.

Nicolas Schmit a encore expliqué qu’actuellement, seulement 12 pays utilisent de tels systèmes entrée/sortie nationaux, mais "dont la valeur ajoutée reste limitée". "Si aucun système n'est établi au niveau de l'Union, les États membres continueront d'agir de leur propre chef, sans l'efficacité et l'approche harmonisée que le paquet frontières intelligentes peut fournir", a-t-il mis en garde.

Le ministre a ensuite souligné l’effet "dissuasif" qu’un tel système pourrait avoir pour les ressortissants de pays tiers qui entendent dépasser la durée du séjour autorisé ("overstayers") ce qui permettrait aux Etats membres d’avoir "une vision précise" sur le nombre et la nationalité de ces personnes. Une information "pertinente", selon lui, concernant les négociations des accords de facilitation de visa.

Une majorité des États est favorable à une période de rétention uniforme de cinq ans

Quant au programme d’enregistrement des voyageurs (RTP), Nicolas Schmit a affirmé que le Conseil avait toujours été favorable à un programme de ce type et qu’une majorité des États membres étaient favorable à un RTP européen avec "de la flexibilité quant aux modalités d'application selon le type de frontière".

Selon le ministre, une très large majorité d'États membres est en faveur de l'accès des services répressifs au système EES avec l’objectif de prévenir ou de détecter des infractions terroristes ou d'autres infractions pénales graves. Cet accès devrait toutefois être soumis à des conditions et des procédures strictes, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice, a insisté Nicolas Schmit.

Quant à la question sur les périodes de conservation des données, Nicolas Schmit a expliqué qu’une grande majorité des États membres est favorable à une période de rétention uniforme de cinq ans, afin d'harmoniser tous les systèmes. Le Conseil est cependant "pleinement conscient" de l'importance de l'arrêt de la Cour de justice de l’UE du 8 Avril 2014 qui annule la Directive sur la conservation des données, a précisé le ministre. Il a ajouté que tous les débats au sein du Conseil ont "pleinement tenu compte du principe de ne faire que ce qui est nécessaire et proportionnel pour atteindre les objectifs poursuivis".

Pour la Commission, un système unique est "préférable"

Dimitris Avramopoulos, le commissaire européen aux Migrations et Affaires intérieures, s’est engagé à présenter au début de l’année prochaine une seule proposition législative pour établir un système qui "fonctionne bien et rapidement". En s’appuyant sur les "conclusions préliminaires" de l’étude d’impact, le commissaire a jugé qu’un système "unique" qui incorpore les fonctions de l’EES et du RTP est "préférable" à deux systèmes distincts, notamment au vu d’une réduction de coûts et afin d’éviter l’enregistrement de données personnelles dans deux systèmes.

La proposition aura un bon rapport coût-efficacité et respectera la législation sur la protection des données, a-t-il ajouté. Elle sera complétée par une "légère modification du Code frontières Schengen". L’un des objectifs est de réduire la charge de travail et des "tâches répétitives" des gardes-frontières, afin de libérer des ressources, a insisté le commissaire. Il a souligné l’importance d’une gestion meilleure et plus intelligente des frontières. " Les flux de voyageurs vont augmenter. Si nous n’agissons pas, il y aura des queues aux frontières ou il faudra employer plus de gardes-frontières. Ce n’est ni acceptable, ni faisable", a-t-il insisté.

Lors du débat, plusieurs députés ont rappelé que l’objectif du paquet législatif était de contrôler les "overstayers" et d’améliorer la gestion des frontières pour l’adapter au 21e siècle ainsi qu’une harmonisation et l’échange d’informations entre Etats membres. Ils ont insisté sur le fait que le débat n’avait aucun lien avec la crise migratoire, mais qu’il s’agissait de savoir si les coûts d’un tel système sont justifiés par rapport à la valeur ajoutée. D’autres députés ont jugé que le débat était déplacé, vu la crise actuelle, et appelé à des frontières plus fermes pour empêcher l’entrée de migrants irréguliers.

Nicolas Schmit a conclu qu’il ne fallait pas tirer les mauvaises conclusions, en rappelant que la situation actuelle était "exceptionnelle". Il a souligné l’importance du système de libre circulation Schengen, estimant qu’il faudrait un système plus efficace pour lutter contre le terrorisme et la criminalité.

  • Mis à jour le 28-10-2015