Justice et Affaires intérieures
Réunion du Conseil

Conseil JAI – Les ministres de la Justice s’accordent sur le projet de directive sur la protection des données à caractère personnel traitées à des fins répressives

jai-justiceLes ministres de la Justice de l’Union européenne (UE) se sont réunis à Luxembourg le 9 octobre 2015 pour le troisième volet du Conseil "Justice et Affaires intérieures" (JAI) consacré aux questions de justice. Sous la présidence du ministre de la Justice, Félix Braz, le Conseil est parvenu à dégager une orientation générale concernant le projet de directive sur la protection des données à caractère personnel traitées à des fins répressives.

Les ministres ont aussi dégagé une orientation générale partielle sur un règlement portant création du Parquet européen, ils ont discuté de l'adhésion de l'UE à la CEDH et ont mené un débat sur la crise migratoire axé sur les aspects liés à la coopération judiciaire.

Le Conseil adopte sa position sur le projet de directive relatif à la protection des données

Le Conseil a adopté sa position de négociation sur le projet de directive relative à la protection des données. Ce projet fixe des règles concernant la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins répressives.

Pour rappel, le projet de directive fait partie du train complet de mesures législatives sur la protection des données proposé par la Commission le 25 janvier 2012 qui comprend également un règlement général qui a fait l’objet d’une orientation générale du Conseil en juin 2015.

Concrètement, la directive proposée vise à "assurer un niveau élevé et constant de la protection des données dans le domaine de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matières pénales, tout en améliorant la confiance mutuelle entre la police et les autorités judiciaires des différents Etats membres" ainsi qu’à "faciliter le flux des données", a rappelé Félix Braz lors de la conférence de presse organisée à l’issue du Conseil.

Le ministre s’est dit "ravi" d’annoncer l’adoption d’une orientation générale qui permettra de débuter les trilogues avec le Parlement européen "dans les plus brefs délais" et a souligné que sur le projet de règlement, les trilogues avaient déjà "bien avancé". Dès lors, l’objectif de  clôturer le paquet, règlement et directive, en décembre 2015, tel que demandé par le Conseil européen, "s’il n’est pas acquis, reste possible".

La commissaire européenne en charge de la Justice, des Consommateurs et de l’Egalité des genres, Věra Jourová, a estimé que "le droit à la protection des données est un droit fondamental dans l’UE, il est de notre devoir que ce droit soit protégé comme il se doit".

Arrêt "Schrems"

Dans le même contexte,  les ministres ont évoqué l’arrêt "Schrems" prononcé par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le 6 octobre 2015 ainsi que ses conséquences sur le transfert de données entre l’UE et les Etats-Unis suite à la suspension du régime dit de la "sphère de sécurité" ("Safe Harbour" en anglais).

Félix Braz a évoqué un arrêt "particulièrement important pour les droits fondamentaux en Europe, avec un impact certain pour le monde économique" et parlé d’un "message fort au monde concernant le respect du droit à la protection des données personnelles en Europe".

Dans son arrêt, la Cour a rappelé le rôle éminemment important joué par les autorités de contrôle nationales, indépendantes, a indiqué le ministre. Ces dernières se sont d’ailleurs réunies d’urgence à Bruxelles le 8 octobre 2015 pour identifier les prochaines étapes et pour accompagner les entreprises dans l’application de l’arrêt. "Il faut une réponse commune, coordonnée et rapide des 28 autorités à cet arrêt", a déclaré le ministre, qui a encore indiqué que l’objectif de la Présidence de finaliser la réforme d’ici la fin de l’année était "conforté" par cet arrêt.

La commissaire Jourová a souligné la nécessité d’un "Safe Harbour plus sûr", poursuivant trois priorités : garantir que les données des citoyens soient protégées efficacement lors de leur transfert vers les Etats-Unis, garantir que la poursuite des transferts de données vers les Etats- Unis, ceux-ci constituant "l’épine dorsale de notre économie", et assurer la cohérence et la coordination avec les autorités de contrôle nationales.

Le moment est venu de poursuivre le processus d'adhésion de l'UE à la CEDH

La Présidence a informé le Conseil de l'état de la situation en ce qui concerne l'adhésion de l'UE à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et les ministres ont débattu de la suite concrète à donner à l’avis de la Cour de justice de l'UE qui avait jugé que le projet est incompatible avec le droit de l'UE.

Pour mémoire, le traité de Lisbonne exige l'adhésion de l'UE à la CEDH. En juin 2010, le Conseil a adopté un mandat de négociation, et les négociateurs sont parvenus à un accord en avril 2013. En juillet 2013, la Commission a invité la CJUE à rendre un avis sur la compatibilité de cet accord avec les traités de l'Union. Or, dans son avis rendu le 18 décembre 2014, la CJUE a estimé que le projet d'accord d'adhésion n'était pas compatible avec le droit de l'UE.

Félix Braz a noté que le débat avait confirmé que cette adhésion constituait "une priorité importante pour la Présidence luxembourgeoise et pour l’ensemble du Conseil". "Suite à une période de réflexion certainement nécessaire, la Présidence considère que le moment est venu de poursuivre le processus d'adhésion", a-t-il indiqué, d’où la mise à l’ordre du jour de ce point. Il a souligné que l’adhésion de l’UE à la CEDH "renforcera les valeurs fondamentales" et "améliorera la cohérence de la protection des droits fondamentaux dans toute l’Europe". "Elle renforcera également la crédibilité de l’UE et accroîtra sa responsabilité au niveau intérieur comme extérieur en termes de protection des droits fondamentaux", a-t-il dit.

Dans ce contexte, Félix Braz a souligné que le Conseil avait invité la Commission à présenter "une analyse détaillée" des suites à donner à l’avis de la CJUE.

Accord partiel sur le Parquet européen

Les ministres ont également eu un débat sur certains articles du projet de règlement portant création d’un Parquet européen. Pour rappel, le Parquet européen aura pour mission de rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

Les ministres ont dégagé un accord sur les articles 24 à 35 du projet de règlement. Ces articles, qui "constituent le cœur même du fonctionnement du futur Parquet européen", portent sur les enquêtes transfrontalières, les preuves, les droits des suspects et des accusés, le classement sans suite ainsi que la confiscation. Félix Braz a salué "un pas considérable en avant dans ce dossier" et a rappelé que la Présidence visait un accord général sur les articles 17 à 37 pour le Conseil JAI de décembre 2015, tout en se disant "conscient qu’il n’est pas réaliste d’obtenir une conclusion pendant la Présidence".

La commissaire Jourová a insisté sur le fait qu’elle souhaitait la mise en place du Parquet européen en 2016. "Il nous permettra de poursuivre notre objectif de tolérance 0 en matière de fraude au budget de l’UE et d’assurer le suivi et le traitement de chaque fraude."

Dans le même contexte, les ministres ont discuté de la directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union (PIF), qui définit entre autres le champ de compétence matériel du Parquet européen, suite au jugement de la CJUE dit "Taricco" rendu le 8 septembre 2015.

Selon le ministre Braz, cet arrêt apporte des clarifications sur une question débattue entre le Conseil et le Parlement européen, à savoir l’inclusion de la fraude à la TVA dans le champ d’application de la directive PIF. "J’ai pu constater une large ouverture des Etats membres pour creuser des pistes pour inclure la TVA dans la directive", a dit le ministre, ce qui permettra de reprendre les discussions avec le Parlement européen actuellement bloquées sur ce point. "Sous quelle forme une telle inclusion pourrait être faite reste encore à définir", a-t-il dit.

Les aspects judicaires de la crise migratoire

La coopération judiciaire et la lutte contre la xénophobie dans le contexte de la crise migratoire ont aussi été débattues par les ministres, qui se sont entendus sur plusieurs actions à mettre en place.

Tout d’abord, il convient de mettre à disposition des autorités et organismes impliqués les ressources tant financières qu’humaines nécessaires. Deuxièmement, il est nécessaire de renforcer la capacité opérationnelle d’Eurojust car cet organe "joue un rôle central pour combattre ceux qui exploitent la misère des réfugiés", a dit le ministre.

Enfin, il s’agira de mettre en place, aux niveaux européen et national, des actions pour faire face aux crimes de haine, et plus particulièrement à l’incitation à la haine en ligne. Le ministre a indiqué que les démarches entreprises par la Commission auprès des fournisseurs d’accès à internet, davantage axées sur l’aspect sécuritaire (prévention du terrorisme) devraient être complétés par des aspects de défense de l’Etat de droit. "Ce qui n’est pas tolérable sur un panneau dans une manifestation ne l’est pas non plus sur internet", a déclaré Félix Braz, ajoutant que "Facebook et internet ne sont pas des espaces de non-droit".

Ce point sera remis à l’ordre du jour du prochain Conseil JAI au mois de décembre 2015.

  • Mis à jour le 09-10-2015