Emploi, politique sociale, santé et consommateurs
Réunion ministérielle informelle

Première réunion informelle des ministres de l’Emploi de la zone euro – Le renforcement de la dimension sociale dans l’UEM au centre des discussions

Réunion informelle des ministres de l'Emploi et des Affaires sociales de la zone euroLa Présidence luxembourgeoise du Conseil de l'UE a organisé le 5 octobre 2015 pour la première fois une réunion informelle des 19 ministres de l’Emploi et des Affaires sociales de la zone euro, qui a eu lieu avant la réunion du Conseil ESPCO à Luxembourg. L’objectif était de discuter, sur base d’une note de fond soumise par la Présidence, du renforcement de la dimension sociale dans la gouvernance de l'Union économique et monétaire (UEM), confrontée à des divergences sociales importantes, et d’évaluer la plus-value d’une telle réunion à composition restreinte. La réunion a été présidée par le ministre du Travail, Nicolas Schmit, et le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider.

Lors de son introduction, Nicolas Schmit a rappelé que les pays de la zone euro, qui partagent la même monnaie, sont confrontés à des "défis communs bien précis" et partagent les "mêmes intérêts et responsabilités". L’UEM signifie pour eux "une solidarité accrue et une convergence plus forte", a expliqué Nicolas Schmit. Or, la crise financière a relevé certaines "faiblesses et déficiences" dans la gouvernance  de la zone euro. "Le processus du renforcement de l’UEM est loin d’être achevé, puisqu’il vient juste de commencer", a affirmé le ministre.

Nicolas Schmit a évoqué une hétérogénéité économique et sociale dans la zone euro "déjà relativement importante", mais qui risque d’augmenter encore et "d’affecter la légitimité de l’UEM". Il a ensuite insisté sur la nécessité de l’inclusion d’une dimension sociale renforcée dans l’UEM, comme cela est "prévu par les Traités". "Sans cette dimension sociale, l’UEM ne favorise pas la convergence", a-t-il souligné. Pour la Présidence luxembourgeoise, une convergence vers le haut ("upwards convergence") est indispensable au bon fonctionnement de l’UEM.

Selon Nicolas Schmit, le Conseil ESPCO devrait être "un acteur comparable" à d’autres, comme l’Eurogroupe ou l’Ecofin, "pas dans un esprit de concurrence", mais dans un sens "équitable" dans un "esprit de compléter l’UEM".

Sur la base du rapport dit des cinq présidents, qui présente un plan visant à approfondir l’UEM, la Présidence luxembourgeoise a élaboré plusieurs questions. Ce rapport propose notamment une formalisation du processus de convergence qui se fonderait sur un ensemble de critères établis conjointement ("benchmarks"). Il reconnaît également l’importance de marchés du travail et de systèmes de protection sociale qui "doivent fonctionner correctement et de manière équitable dans tous les Etats membres de la zone euro" pour garantir le "succès de l’UEM".

Les questions de la Présidence étaient les suivantes :

  • Les ministres sont-ils d’accord à procéder à un suivi régulier du développement des politiques sociales et de l’emploi spécifiques à la zone euro et à faire rapport aux sommets de l’Euro ?
  • Considèrent-ils qu’une telle réunion apporte une valeur ajoutée et quelles devraient être les contributions des ministres ?
  • Comment les ministres perçoivent-ils la formalisation du processus vers une convergence vers le haut et quelles sont pour eux les critères de convergence les plus importants ?
  • Comment assurer le lien avec les Etats non membres de la zone euro ?

Les positions des délégations nationales

Si les délégations nationales ont salué l’initiative lancée par la Présidence luxembourgeoise de convoquer une telle réunion, leurs positions ont néanmoins varié sur plusieurs aspects.

Plusieurs délégations nationales ont insisté sur la plus-value d’une telle réunion informelle à composition restreinte dans le cadre de l’approfondissement de la gouvernance de l’UEM. Une délégation d’un grand Etat membre a même parlé d’une "étape essentielle franchie aujourd’hui". Ces délégations ont estimé qu’un format d’"Eurogroupe social" permettrait de renforcer la dimension sociale de l’UE et de la zone euro, et d’éviter que dans cette dernière, une course vers le bas en matière de droits sociaux, de salaires et de protection sociale n’ait lieu. L’objectif d’une telle approche "intégrée" n’est selon eux pas de créer un club "exclusif" ou "fermé" en séparant les Etats membres de la zone euro de ceux qui n’en font pas partie, mais plutôt de faciliter l’émergence de nouvelles idées pour renforcer le pilier social de la zone euro et pour permettre une convergence vers le haut des systèmes sociaux.

Une de ces délégations a par ailleurs attiré l’attention sur le fait que dans le programme d’ajustement, son pays est obligé d’accorder ses réformes de l’emploi aux meilleures pratiques européennes. Or, actuellement ce sont les ministres des Finances qui sont en charge de déterminer quelles sont les meilleures pratiques en la matière, et non pas les ministres de l’Emploi, a-t-elle signalé.

D’autres délégations ont pour leur part souligné l’importance de ne pas créer un processus décisionnel parallèle qui exclurait les Etats de l’UE non membres de la zone euro dans les discussions relatives à la dimension sociale de l’UEM. Ils ont plaidé pour que ces Etats puissent participer aux réunions informelles des ministres EPSCO de la zone euro  sur une base volontaire. Pour une de ces délégations, l’exclusion des Etats qui ne font pas partie de la zone euro empêcherait de tirer profit de leur expérience et de leur savoir-faire en matière de politiques sociales.

Enfin, d’autres délégations ont pour leur part exprimé leur scepticisme quant à la plus-value d’un "Eurogroupe social". Bien que les discussions dans un tel format peuvent selon elles avoir leur utilité, elles s’opposent à l’idée d’accorder une continuité à de telles réunions, estimant que les politiques sociales peuvent mieux être discutées et examinées par l’ensemble des Etats membres de l’UE. Plutôt que d’essayer de mettre en place de nouveaux instruments, l’UE doit selon eux consolider et rendre plus efficaces les instruments et structures dont elle dispose déjà. L’échange de bonnes pratiques doit permettre de renforcer la convergence sociale dans l’UE et la zone euro. Ils ont également évoqué l’importance de renforcer la mobilité du travail.

Une de ces délégations a mis en garde contre le risque d’une "division des Etats membres" et s’est exprimée contre une “harmonisation” des politiques sociales, en évoquant les “différences significatives” dans ce domaine.

Les conclusions de Nicolas Schmit et Romain Schneider

Nicolas Schmit et Romain SchneiderNicolas Schmit a résumé la réunion en quatre points :

Tous sont d’accord pour dire que l’UEM est "une entité spécifique", a-t-il constaté. . "Nous avons fait pendant la crise l’expérience de ce que cela veut dire partager une même monnaie. Cela nous impose d’autres contraintes qu’aux pays qui ont leur propre monnaie." Il a parlé d’un "impact spécial" et d’une pression directe" ("straight stress" dans le texte)  sur les systèmes sociaux des Etats membres de la zone euro. Dans ce sens, la façon dont les systèmes sociaux des Etats de la zone euro sont conçus, importe.

Ensuite, il a rassuré les sceptiques, en assurant que "si ce type de rencontre des ministres EPSCO de la zone euro devait continuer, cela doit être clair qu’il ne s’agira pas d’un organe de décision, pas plus que l’Eurogroupe, qui n’est pas non plus un organe de décision selon les règles des traités européens de Lisbonne. Le Conseil en tant que tel qui réunit les 28 Etats membres est et restera l’organe de décision."

Troisièmement, a expliqué le ministre, "l’harmonisation sociale n’est pas l’objectif recherché, d’autant plus qu’il n’est pas prévu dans les traités européens.  Les différences entre les systèmes sociaux des Etats membres sont telles qu’il ne peut y avoir une solution pour tous. L’objectif est la convergence, sans laquelle l’UEM ne peut pas fonctionner.  Cette convergence doit être financière, économique et budgétaire, mais aussi sociale."

Son dernier constat était politique. "Il y a une pression très forte qui est hostile à l’UE et à l’euro, ce qui conduit à une perception de l’euro comme étant juste un instrument de discipline budgétaire qui n’est pas toujours adéquate, alors que les vrais buts sont la croissance, l’emploi et la protection sociale. Or si ce message ne passe pas et que le projet européen ne reçoit pas le soutien de ses populations, l’UE sera en difficultés."

Nicolas Schmit a admis que "nous ne sommes pas unis sur ce format des ministres EPSCO de la zone euro, mais la discussion a été fructueuse, et nous devrions la reprendre de temps en temps pour rendre à la zone euro sa dimension sociale qui ne ressort pas". Dans la mesure où" l’Eurogroupe discute de ce qui nous touche directement, il faudrait créer un équilibre avec nos contributions, sinon il n’y aura pas de dimension sociale de l’UEM du tout".

Le ministre luxembourgeois de la Sécurité sociale, Romain Schneider, lui a emboîté le pas, disant que "nous sommes tous soucieux de maintenir nos systèmes de protection sociale" et plaidant pour une "coordination renforcée de la gouvernance" qui touche aux politiques économiques et financières, mais aussi sociales. "Les politiques sous nos responsabilités ne devront pas être simplement  traitées de variables d’ajustement".  Il a conclu en assurant ce que les Etats membres de l’UE qui ne font pas partie de la zone euro ne seraient pas isolés par le format proposé par la Présidence luxembourgeoise, qu’il faudrait assurer une véritable valeur ajoutée et inclure les comités préparatoires existants dans le processus et finalement encore mieux cadrer les sujets à traiter et trouver "le format adéquat".

  • Mis à jour le 05-10-2015