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Journée de la Consommation et de la Concurrence – Les plateformes en lignes et leur rôle croissant comme place de marché au cœur de la seconde table-ronde

Deuxième panel de discussions de la "Journée de la Consommation et de la Concurrence" au Luxembourg, le 22 septembre 2015Après une première table ronde consacrée au géo-blocage, la seconde partie de la Journée de la Consommation et de la Concurrence, qui s’est tenue le 21 septembre 2015 à Luxembourg, s’est concentrée sur les plateformes en ligne et leur rôle en tant que "places de marchés". De telles plateformes, dont l’importance est jugée croissante pour le futur marché unique numérique, remplissent de multiples fonctions (boutiques en ligne, réseaux sociaux ou sites comparatifs de prix) mais soulèvent des questions sur leur nature (commerçants, intermédiaires hébergeurs des services), sur leur responsabilité en cas de litige et sur les distorsions de concurrence qu’elles pourraient créer.

Les plateformes en lignes, des avantages et des risques

A cet égard, le Dr. Rainer Metz, directeur au ministère fédéral allemand de la Justice et de la Protection des consommateurs, a relevé le rôle croissant de ces plateformes tout en soulignant leur "manque de transparence" en terme de responsabilités ou de lois applicables. Selon lui, si elles présentent de nombreux avantages pour les consommateurs – par ex. en termes de prix et d’offres plus grandes ou de meilleure information – elles leur font aussi courir certains risques, notamment en cas de position de marché dominante. Il a également relevé qu’il était nécessaire de pouvoir faire appliquer la loi, alors que les autorités locales seraient souvent dépassées.

Siada El Ramly, directrice générale d’EDiMA, l'association professionnelle européenne des plateformes en ligne, a indiqué que ces plateformes n’étaient pas de nouveaux concepts, mais une adaptation des pratiques de marché existantes à l’environnement numérique et à la mondialisation. Ces évolutions ont permis un gain de temps et offert un plus grand choix aux consommateurs, de la transparence, ainsi qu’un meilleur accès au marché aux PME, a-t-elle assuré, notant que les plateformes étaient soumises à d’importantes contraintes règlementaires. Alors que la Commission européenne s’apprête à lancer en septembre une consultation publique sur les plateformes en ligne, la directrice générale a estimé que cet exercice permettrait de "répondre à certaines questions" et de voir "s’il y a vraiment des problèmes qu’il faut régler".

De son côté, Despina Spanou, directrice à la DG Justice de la Commission, a précisé que cette consultation viserait à identifier des pratiques de marché dans un environnement en rapide évolution. Ces plateformes peuvent "véritablement être des outils qui permettent de contribuer à libérer le potentiel du e-commerce", a-t-elle estimé, notant qu’elles avaient le potentiel "d’amener plus de consommateurs et d’entreprises en ligne d’une manière très ‘amicale’, notamment pour les PME". Elle a également rejeté l’existence d’un vide juridique en la matière mais reconnu un problème au niveau de l’application des lois et de leur interprétation. "Il est très important d’appliquer les lois existantes qui fonctionnent bien", a-t-elle répété

Thierry Dahan, le vice-président de l'Autorité française de la concurrence, a rappelé que les autorités de concurrence n’étaient pas compétentes en dehors du droit de la concurrence, et que la difficulté était de reformuler en ce sens des plaintes soumises par les consommateurs. Selon lui, les marchés en ligne ne sont pas identiques aux marchés traditionnels, qui "sont des espaces publics qui ne posent pas de problèmes en termes de marché, d’accès, de concurrence", a-t-il dit, s’interrogeant sur le "caractère neutre" de l’accès aux marchés en ligne. L’autre différence réside dans la présence de "vrais fournisseurs" sur les marchés ordinaires "qui achètent pour revendre et qui prennent des risques", ce qui n’est pas toujours le cas en ligne "où l’on trouve parfois de purs intermédiaires, qui peuvent donc se trouver dans une situation privilégiée". "Cet exemple montre dans quel esprit on peut traiter ces cas en ramenant la description de marché à des concepts connus, comme ici des problèmes d’abus de position dominante", a-t-il ajouté.

Des clarifications s’imposent pour l’économie collaborative

Les orateurs se sont ensuite penchés sur la nécessité de doter l’économie collaborative (comme les services de transports de particuliers par particuliers, etc.) qui fonctionne généralement via des plateformes en ligne, d’une législation spécifique. Thierry Dahan a relevé que ce type de marché "n’existe pas" pour les autorités de la concurrence, n’étant pas une véritable activité économique "au sens juridique du terme". Lorsqu’elles prennent de l’ampleur, il s’agit d’économie informelle et de travail au noir, ce qui soulève des questions fiscales, a-t-il dit. Quant aux jugements rendus en la matière, il a relevé une jurisprudence divergente entre Etats membres. Despina Spanou a de son côté souligné que pour la Commission, la question fiscale devait être "clarifiée", tout comme celle du respect des règles et des responsabilités.

La Commission doit adopter une approche chirurgicale

Lors de la seconde partie de la conférence, la présidente de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen, Vicky Ford (ECR), a de son côté rappelé qu’un marché unique fonctionnel était "la clé pour libérer la croissance et créer des emplois". Pour l’eurodéputée, la Commission doit se concentrer dans ce contexte sur la résolution des problèmes là où une action est nécessaire, jugeant qu’une harmonisation risque de mener à une perte de qualité. Il ne faut d’ailleurs pas ajouter de la bureaucratie, a-t-elle insisté. Les entreprises "demandent d’assurer la transparence" sur la législation qui leur est imposée, "il est important d’écouter leur voix", a-t-elle encore dit. Et elles ne pourront se développer que si "elles marchent main dans la main avec le marché de consommateurs".

Trouver l’équilibre entre les différents intérêts en balance

En conclusion, François Biltgen, l’ancien ministre luxembourgeois de la Justice devenu juge à la Cour de Justice de l’Union européenne, a estimé que dans le contexte du marché unique numérique, différents intérêts étaient en balance et qu’il fallait trouver un équilibre. C’est notamment aux institutions, dont le juge, de trouver cet équilibre et la cohérence dans l’interprétation uniforme de la loi, a-t-il dit, alors que de fortes tensions existent, notamment dans la définition du droit applicable dans le cas d’une offre internet transfrontalière.

  • Mis à jour le 21-09-2015