Emploi, politique sociale, santé et consommateurs
Ministres au Parlement européen

Nicolas Schmit détaille la position du Conseil sur la problématique de l’emploi précaire lors d’un débat au Parlement européen

schmit-schulz-pe-150909Le 9 septembre 2015, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, et président du Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO), Nicolas Schmit, est intervenu au nom du Conseil de l’UE devant le Parlement européen réuni en séance plénière à Strasbourg, lors d’une discussion commune sur le marché du travail dans l’UE. Face aux eurodéputés, le ministre luxembourgeois était invité à répondre à une question orale sur le travail précaire soumise au Conseil par le député européen Thomas Händel (GUE/NGL).

En guise d’introduction, Nicolas Schmit a rappelé que si la crise économique et financière de ces dernières années avait provoqué une augmentation du nombre de chômeurs, elle avait également provoqué une réduction des prestations sociales et des droits à ces prestations et contribué à l’augmentation du travail précaire. "Cela a de graves répercussions pour nos économies ainsi que pour la stabilité et la cohésion sociales, mais aussi à terme pour la soutenabilité de nos systèmes de protection sociale", a ajouté le ministre.

Or si la possibilité, pour celui ou celle qui le désire, d'accéder à un emploi rémunéré est une des "valeurs fondamentales de nos sociétés", c'est également un "élément clé pour la reconnaissance sociale et la participation à la société", a souligné le ministre, ajoutant que les traités et l’économie sociale de marché étaient synonymes d’emplois de qualité.

Le ministre a ensuite souligné qu’au cours des dernières décennies, les relations professionnelles s'étaient "considérablement diversifiées" et s’étaient souvent dégradées. Cette tendance s'est encore accentuée pendant la crise et a conduit à une augmentation du nombre de travailleurs dans une "situation de précarité durable" car n’arrivant pas à obtenir de contrat à durée indéterminée, a-t-il ajouté.

Même si 22 Etats membres ont un salaire social minimum, ce dernier ne constitue "pas à lui seul une garantie contre la pauvreté", a-t-il poursuivi car "tout dépend du niveau de ce salaire". Par ailleurs, l’objectif de la stratégie Europe 2020, qui était de réduire de 20 millions le nombre de travailleurs pauvres en Europe, n’a pas été atteint, a précisé le ministre. Il conviendra donc, dans le contexte de la révision de la stratégie 2020 actuellement en cours, "de trouver de nouvelles pistes et de nouveaux moyens pour atteindre cet objectif".

"Les personnes occupant des emplois précaires sont confrontées la plupart du temps à un travail de qualité médiocre, une mauvaise rémunération, une pauvreté au travail, une insécurité et une vulnérabilité", a dénoncé le ministre, appelant de ses vœux une "approche globale" en la matière.

"Nous devons nous focaliser sur les différents aspects de la qualité du travail, en particulier sur les rémunérations, les prestations et les conditions de travail adéquates, la sécurité et la santé sur le lieu de travail, l'accès à l'enseignement et à la formation professionnels", a-t-il dit. "A terme en Europe, il faut veiller à ce que chaque salarié ait un véritable droit à la formation car c’est une garantie pour l’évolution de sa carrière professionnelle, parallèlement à l’évolution du marché du travail", a-t-il précisé.

Pour améliorer la qualité de l'emploi de ceux qui travaillent dans des conditions précaires, il importe également de "combattre et de prévenir le travail non déclaré", a expliqué Nicolas Schmit. Il a souhaité que les négociations entre le Conseil et le Parlement au sujet de la décision établissant une plateforme pour combattre le travail non déclaré puissent aboutir "le plus rapidement possible". Pour la Présidence, l'objectif demeure de conclure d'ici la fin de l'année, a-t-il encore annoncé, alors qu’une réunion de négociations interinstitutionnelles en trilogue a eu lieu dans les jours précédents.

Nicolas Schmit a encore souligné "le rôle crucial" que jouent les partenaires sociaux. "Il faut encourager au niveau européen comme au niveau national le dialogue social", a-t-il précisé, tout en préservant le droit des conventions collectives.

Le ministre s’est ensuite focalisé sur les groupes les plus vulnérables, à savoir les jeunes et les femmes. A ce titre, Nicolas Schmit a évoqué la Garantie Jeunesse dont la principale recommandation vise à garantir que tous les jeunes de moins de 25 ans reçoivent une offre d'emploi de bonne qualité, une offre de formation continue, d'apprentissage ou de stage dans les quatre mois après avoir été licenciés ou avoir quitté l'enseignement formel. Le ministre a aussi évoqué une recommandation de la Commission mentionnant les abus au niveau des stages, avec certains Etats membres qui voient se développer une véritable "génération stages". "Si certains Etats ont réglementé [cette pratique], il faut une solution cohérente", a plaidé le ministre.

Au sujet des femmes, Nicolas Schmit a souligné qu’elles étaient représentées de manière disproportionnée dans les emplois précaires. Elles risquent en effet plus souvent de "faire des horaires très courts, de percevoir de faibles rémunérations et d'avoir un accès limité aux allocations" sans compter leurs droits réduits à la pension, ce qui "crée en réalité de nouvelles sources de pauvreté", a ajouté le ministre.

Le ministre de l’Emploi, qui est aussi celui de l’Economie sociale et solidaire, a par ailleurs rappelé que la Présidence luxembourgeoise avait fait de la dimension sociale une de ses priorités, notamment en promouvant cette forme d’économie alternative. Il a indiqué à ce sujet que la Présidence organisait en décembre une grande conférence sur le sujet et qu’elle avait également l'intention de proposer des conclusions au Conseil EPSCO des 7 et 8 décembre 2015 sur la promotion et le renforcement de l'économie sociale et solidaire ainsi que de l’entreprenariat social.

Nicolas Schmit a encore estimé que l'emploi précaire était dommageable pour les économies européennes, alors qu’il "bloque les opportunités d'une génération entière de jeunes". "Cela risque de mener à un véritable cercle vicieux en augmentant les inégalités et en générant à la fois insécurité et instabilité", a-t-il souligné.

A l’issue du débat, le ministre Schmit a mis en avant quatre idées qui méritent selon lui d’être approfondies. Tout d’abord, "le besoin d’une véritable gouvernance socio-économique qui donne au social et à l’emploi leur vraie place et qui corresponde à l’objectif du traité qui prévoit une économie sociale de marché». Il s’agit ensuite d’adapter la stratégie Europe 2020 par des "approches innovatrices pour favoriser l’emploi de qualité, pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion et pour miser sur la formation sous toutes ses formes", a-t-il dit, soulignant la "place importante" de l’entreprenariat social dans ce contexte.

De même, les évolutions technologiques majeures des dernières années, en particulier le numérique, et leur impact sur le marché du travail, les qualifications et les compétences sont un autre sujet "à prendre très au sérieux", a poursuivi Nicolas Schmit.

Enfin, le ministre luxembourgeois a souligné que la mise en concurrence des systèmes sociaux sans la définition d’un minimum de règles revient à se diriger vers "le moins disant social" et il a rappelé à cet égard l’existence de l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’UE. Celui-ci prévoit que "dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine". "Il faudra peut-être le rendre opérationnel", a conclu le ministre.

  • Mis à jour le 09-09-2015